dimanche 16 novembre 2014

Episode 7


— Ils voulaient que je les aide.

Keyne le détailla sans dire un mot, son regard se faisant suffisamment éloquent quant à ses doutes sur les capacités d’Elis à aider qui que ce soit. Le garçon s’en rendit compte et prit la mouche.

— Tu doutes de moi c’est ça ? Mais dans ma communauté ma famille est importante, je suis quelqu’un d’important !

Il se redressa, jetant un regard plein de morgue à Keyne qui se contenta de sourire. Assis, les jambe croisées, il se pencha un peu en avant et susurra :

— Alors là gamin, j’aimerais bien que tu m’expliques comment un gringalet comme toi peut être aussi important.

— Ma famille s’occupe des éoliennes.

Toujours piqué au vif, Elis ne se rendait même pas compte qu’il en disait plus qu’il n’avait prévu de dire. Le sourire de Keyne s’effrita et il se redressa à son tour. Il avait suffi de cette dernière information pour comprendre toute l’importance du garçon.

— Tu fais partie de la communauté d’Eole ?

Elis acquiesça alors que Keyne secouait la tête avec un petit rire. La communauté d’Eole, la plus grosse et la plus sécurisée du continent si l’on en croyait les rumeurs. En comparaison, les autres communautés faisaient office de village.

— Et tu dis que ta famille s’occupe des éoliennes ?

— Oui. Depuis que mon père est malade, c’est moi qui ais la charge de l’entretien et du fonctionnement des éoliennes.

— Eh bien je comprends mieux pourquoi ces hommes t’ont enlevé. Par contre, il me semble que ta communauté est plutôt bien sécurisée, comment ils ont fait pour réussir à t’enlever.

— Ils ont attendu que je sorte de la ville. Je devais me rendre dans une communauté voisine avec laquelle nous faisons du commerce. C’est à ce moment-là qu’ils ont attaqué.

Le regard d’Elis se perdit alors dans le petit feu, le garçon se remémorant les évènements. Un frisson d’horreur le parcourut et les larmes montèrent.

— Tous ceux qui m’accompagnaient, ils sont tous morts.

Keyne le regarda sans rien dire. Il n’y avait d’ailleurs rien à dire. Des gens mouraient chaque jour de façon plus ou moins brutale et on ne pouvait rien y faire. Ce devait sûrement être la première expérience de réelle violence pour Elis, mais il fallait qu’il s’endurcisse s’il voulait survivre pour rentrer chez lui. Sur le chemin du retour, il aurait largement l’occasion de voir la violence à l’œuvre.

Au bout d’un temps, le jeune homme essuya ses larmes du revers de sa manche et renifla.

— Je suis désolé.

Keyne le regarda droit dans les yeux.

— Ne t’excuse pas. Tu avais besoin de pleurer, je peux le comprendre. Ça va mieux ?

Elis acquiesça.

— Bien. Alors parlons affaire veux-tu ?

Le garçon fronça les sourcils, ne comprenant pas de quoi parlait le nomade.

— Eh bien quoi, tu ne penses quand même pas que je vais te ramener chez toi sans compensation. Rien qu’à te regarder, je vois bien que tu n’as rien à échanger pour payer tout ce qu’il faut à ta survie. Ce qui veut dire qu’il va falloir que je prenne toutes les dépenses en charge si j’accepte de te ramener.

Le visage d’Elis s’éclaira à cette mention.

— J’ai de quoi te payer. Une fois à Eole je te donnerai de l’argent.

Keyne éclata de rire.

— De l’argent ? Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse ? L’argent n’a de valeur que dans ta communauté, je ne pourrai rien en faire une fois reparti.

— Qu’est-ce que tu veux alors ? 

Keyne haussa les épaules.

— Je verrai bien lorsque nous arriverons à Eole de quoi j’aurais besoin. Mais il faudra que tu me rembourses tout ce que j’ai dépensé pour toi.

— Très bien, je te donnerai ce que tu voudras. Mais comment tu vas pouvoir acheter les choses si tu n’as pas d’argent ?

Keyne secoua une nouvelle fois la tête. Elis était comme un enfant à qui il fallait tout apprendre de la vie. Le voyage de retour n’allait pas être une sinécure, et le nomade allait devoir faire preuve de patience, ce qui n’était pas son fort. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait plus eu de compagnon de voyage, il allait devoir s’y habituer. 

— La plupart des communautés fonctionnent sur le troc. Mais certaines d’entre-elles, généralement les plus grosses, utilisent des formes de monnaies. Dans ce cas, lorsqu’un voyageur arrive, il peut troquer quelque chose contre cet argent. Ça n’a alors de valeur que dans la communauté et lorsqu’on repart, mieux vaut avoir tout dépensé contre des vivres, des armes ou tout autre chose dont on a besoin.

— De la nourriture, des vêtements, ce sont des choses que je peux te donner facilement ; ce ne sera pas compliqué.

Keyne sourit au garçon et se leva.

— Nous verrons le moment venu. Avant de te demander quoi que ce soit, il faudra déjà que nous arrivions sans encombre à Eole. Si nous survivons, alors tu devras me donner ce que je te demande.

Elis secoua la tête en signe d’assentiment, et Keyne continua alors qu’il ramassait leurs deux bols ainsi que la petite casserole.

— La route jusque chez toi est longue et dangereuse. Nous en avons pour des mois avant d’y arriver, ce qui signifie que nous risquons de croiser des Rageux, sans compter les communautés inhospitalières et les mercenaires. Je te conseille de te reposer et de prendre des forces. D’ici un ou deux jours, lorsque tu seras complètement remis, nous nous mettrons en route.

Keyne le regarda jusqu’à ce qu’il lui donne son assentiment.

— Très bien. Je vais laver les bols et chercher de l’eau, je reviens.

Le nomade récupéra l’outre qui lui servait de gourde, l’une de ses épées qu’il passa à sa ceinture, puis il sortit de la ferme. Dehors, le temps était clair et le soleil brillait. C’était une journée d’hiver comme Keyne les aimait, froide et sèche. Il prit un petit sentier qui serpentait derrière la maison et arriva rapidement à une rivière. Là, plongeant ses mains dedans il rinça les bols et la casserole, avant de boire une longue rasade. L’eau était gelée et cela lui fit du bien. Il remplit ensuite l’outre et se tourna vers la ferme, restant un instant dehors à la regarder, tout en pensant au gamin qui se trouvait à l’intérieur.

Eole…

S’il y avait un endroit où le nomade pouvait trouver ce qu’il cherchait c’était forcément là-bas. Ces dernières années, il avait arpenté toutes les plus grosses communautés sans trouver quoi que ce soit. Mais Eole était différente. Comme l’avait dit Elis, c’était une ville. Et il était impossible d’y entrer à moins d’en être un membre.

Et voilà que la vie se chargeait de lui mettre entre les pattes quelqu’un pouvant non seulement l’y faire entrer, mais ayant également la capacité de lui donner ce qu’il souhaitait obtenir.

Keyne se retint de sourire. Encore fallait-il que ce quelque chose existe encore, et aussi qu’ils arrivent en vie jusqu’à Eole.

 
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2 commentaires:

Charlie Audern a dit…

J aimerai une communauté religieuse stp si jamais *sourire d ange*

Anonyme a dit…

La suite !!!!
Ayashi-cel