mercredi 29 octobre 2014

Episode 4


Keyne observa une nouvelle fois les alentours, puis revint sur le malade. À part ce qu’il portait sur le dos, il ne possédait pas grand-chose. C’était inconscient de sa part, mais ce serait toujours ça de moins à transporter pour Keyne.

Une courte réflexion suffit au nomade pour décider qu’il valait mieux trouver un lieu plus sûr. Il lui restait encore au moins deux bonnes heures de marche pour s’éloigner de cet endroit, et même en transportant un poids mort, ils pouvaient certainement atteindre une zone plus sécurisée. Si Keyne se souvenait bien, et s’il marchait d’un bon pas, ils pourraient même trouver un toit pour les abriter. Cela lui permettrait alors de rester quelques jours, le temps que le garçon reprenne conscience et qu’il puisse le laisser seul. Mais il ne fallait pas perdre de temps. Keyne sortit tout d’abord une corde de son sac. Puis, se dirigeant vers le garçon inconscient, il se mit à genoux, passa un bras sous ses épaules et le ramena en avant contre lui, faisant passer ses bras par-dessus ses épaules, tels deux amants enlacés. Le garçon gémit, sans toutefois se réveiller, mais Keyne n’y prêta pas attention et pivota tout en maintenant les bras du malade afin qu’il ne tombe pas. L’ayant à présent dans le dos, Keyne fit glisser la corde sous les fesses du garçon et s’enroula la taille, avant de la faire passer sous les bras et de la ramener face à lui afin de la nouer à l’avant. Le nomade vérifia ensuite que le malade était bien maintenu et qu’il ne risquait pas de tomber. Keyne rajusta les bras de ce dernier sur ses épaules, afin qu’il soit le plus en avant possible, passa ses propres bras sous les jambes du malade et banda ses muscles s’apprêtant à se relever, puis il poussa sur ses jambes, prêt à soulever le poids d’un homme.

Il faillit perdre l’équilibre sous la légèreté que représentait le garçon. Il s’était attendu à bien plus lourd, mais il devait peser moins que lui. Keyne secoua la tête. Il se demandait comment un garçon tel que lui avait pu survivre aussi longtemps dans le monde actuel. Il n’était clairement pas paré aux difficultés de la vie. Alors quelle pouvait être son histoire et comment s’était-il retrouvé là ?

Keyne repoussa ses interrogations. Il aurait le temps plus tard de les lui poser ; pour le moment il devait marcher pour s’éloigner le plus vite possible de cet endroit. Récupérant son sac qu’il porta devant lui, puis rajustant le garçon, sur son dos, Keyne reprit la route. Il resta dans un premier temps aux abords de la forêt, puis lorsqu’il pensa que la zone était plus sûre, il revint sur la route. Celle-ci était faîte de goudron. Son grand-père lui avait expliqué que dans l’ancien temps, toutes les villes étaient reliées par ce genre de route, que les véhicules étaient alors légions et que des milliers traversaient chaque jour dans un sens comme dans l’autre. Il lui avait aussi parlé des trains et des avions transportant hommes et marchandises en quantité. Keyne avait toujours eu du mal à se représenter ce genre de monde où tout se trouvait en abondance, villes, hommes, animaux, nourriture… Pour lui si cette époque avait un jour réellement existé, ce n’était à présent que des contes pour enfants.

Bien sûr, Keyne avait déjà croisé au long de sa vie tous les engins dont son grand-père lui avait parlé. Mais en général il ne sortait de cette technologie du passé rien de bon. Les hommes les utilisaient pour contrôler et menacer, faire preuve de leur supériorité. Keyne préférait autant s’en tenir à distance et continuer à marcher. C’était ça la vraie sécurité et la vraie liberté. Se contenter de ce que l’on pouvait transporter.

Keyne s’arrêta un instant pour observer les lieux. La luminosité avait encore baissée, le jour faisant place au crépuscule. S’il ne se trompait pas, il y avait une ancienne ferme abandonnée un peu plus loin. Il y avait été une fois, il y avait longtemps de cela. Il quitta la route pour un chemin de terre et le suivit encore sur quelques kilomètres, faisant attention aux moindres signes de présence humaine ou animale, mais il n’en détecta aucune. Puis au bout d’un moment, il distingua la forme d’un bâtiment. Malgré la fatigue, Keyne pressa le pas.

En quelques années la ferme s’était encore dégradée, ressemblant d’avantage à une ruine que dans ses souvenirs. Mais au moins il y avait encore des murs, un toit et une porte. Les fenêtres, elles, avaient été barricadées depuis longtemps. C’était suffisant pour en faire un abri sûr. Détachant le garçon, il le posa contre un arbre. Il reprit ensuite son sac sur son dos et sortit ses épées courtes afin de s’assurer que les lieux étaient dégagés. Il faisait nuit à présent, et aucun son ne provenait de la maison.

Keyne avança lentement, faisant le moins de bruit possible. Après des années d’entraînement, il voyait parfaitement dans la nuit. Il poussa la porte avec précaution, celle-ci grinça et il attendit d’entendre quelque chose, mais rien. Faisant rapidement le tour du bâtiment qui se trouvait de plein pied, Keyne finit par ressortir rassuré. À part quelques rats qui avaient détalés entre ses jambes, la ferme était vide. Il récupéra le garçon et l’emmena à l’intérieur. L’allongeant dans l’une des pièces, Keyne sortit de son sac sa couverture et l’en recouvrit. Il rassembla ensuite quelques morceaux de bois qui avaient constitués un jour du mobilier et sortit son nécessaire à feux. Un petit sac contenant de la mousse, une tige de silex usée et un grattoir. Avec des gestes sûrs, Keyne enflamma rapidement la mousse et fit un petit feu. Cela serait suffisant pour les réchauffer, et de l’extérieur on ne l’apercevrait même pas.

Keyne cala son dos contre le mur et soupira. La journée avait été longue, mais il était encore en vie. Sortant de son sac de quoi manger, il avala quelques tranches de viande séchée et plongea son regard dans le feu. C’avait été une bonne journée en fin de compte.

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jeudi 23 octobre 2014

Episode 3


Keyne rangea ses lames. Il fallait prendre une décision. Rester ici trop longtemps pouvait être dangereux. La zone était visiblement contaminée et de plus il ne savait pas si le camion avait continué sa route plus loin ou si sa destination était proche. Le garçon gémit, faisant sursauter Keyne. S’il lui sauvait la vie, il ne pourrait pas l’abandonner ensuite. La convalescence prenait du temps, même avec le traitement donné en tout début d’infection. Il fallait être raisonnable. Keyne n’avait pas besoin d’un poids mort qui le ralentirait dans son voyage sans fin. Rajustant les lunettes sur ses yeux, le nomade tourna le dos au jeune homme. Sa décision était prise. Ferme et définitive.

Faisant le chemin inverse, Keyne repassa devant le cadavre du Rageux. L’homme était toujours étendu tel qu’il l’avait laissé, ses yeux morts le fixant d’un regard accusateur. Le nomade s’arrêta, jeta un coup d’œil en arrière, puis à l’homme qu’il venait de tuer. Keyne serra les poings le long de son corps ainsi que sa mâchoire et secoua la tête. Il n’y avait aucune raison d’hésiter. Sa propre survie était prioritaire. S’il venait à mourir…

Keyne s’arrêta à nouveau, et lâcha un soupir agacé.

— Et merde.

Il fit demi-tour d’un pas rageur, en colère après lui-même et son incapacité à penser uniquement à sa survie. Il aurait dû pouvoir le laisser derrière. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’il laissait des gens gérer leurs problèmes avec le virus sans s’en soucier. Cette fois-ci comme les autres, ça n’aurait pas dû faire de différence. Et pourtant ça en faisait une. Il était incapable de savoir pourquoi, mais laisser ce gamin imprudent mourir lui était impossible.

Revenant à ses côtés, Keyne se laissa tomber à genoux près du garçon et sans se préoccuper du malade, se libéra de son sac. L’ouvrant avec des gestes brusques empreints de colère, il en sortit un second sac en cuir, plus petit, et beaucoup plus précieux. 

À l’intérieur se trouvait tout le nécessaire à sa survie. Des plantes, des pots contenant onguents et crèmes, des bandes de tissus propre pour des bandages… ainsi qu’une petite pochette. Ce fut cette dernière dont se saisit Keyne. L’ouvrant avec précaution, il inspecta le contenu. Le côté droit contenait cinq emplacements dont trois étaient vides. Les deux autres maintenaient en place deux fioles de 15ml chacune au contenu translucide. Du côté gauche, une seringue ainsi qu’un tube en plastique servant à des intraveineuses dont l’un des bouts était surmonté d’une petite aiguille.

Après avoir observé ce contenu quelques secondes, Keyne sortit le matériel dont il avait besoin et le posa sur ses genoux avant de refermer la pochette. Puis il leva la tête et regarda le jeune homme. Ce dernier était toujours inconscient et ne semblait pas près de se réveiller. L’auscultant rapidement, Keyne décréta que la fièvre venait d’un début d’infection de la coupure à la tête. Il lui faudrait la désinfecter rapidement. La morsure demandait d’être nettoyée, mais n’était pas grave en elle-même. Ce qui l’était plus en revanche, c’était les conséquences d’une telle morsure.

Le garçon avait été contaminé par le virus Rage 2.0. Laissé sans traitement, il développerait la maladie. Durant les quinze premiers jours, celle-ci ne ferait qu’incuber, ne laissant comme seuls symptôme visibles qu’une irritabilité grandissante, des insomnies… Puis au fur et à mesure que la maladie se déclarerait, il deviendrait paranoïaque et développerait une aversion pathologique à l’eau. Une fois ce stade atteint, la maladie serait établie et le malade deviendrait un Rageux. L’espace de quelques semaines, il pourrait alors tuer et contaminer des dizaines de personnes avant de finalement mourir.

Si personne ne lui donnait le sérum, c’est ce qui se passerait. Mais par un étrange concours de circonstance, le jeune homme avait croisé Keyne. Keyne qui avait en sa possession le fameux sérum, devenu le bien le plus précieux pour cette humanité dévastée. Keyne qui allait sacrifier l’avant dernière dose qu’il possédait pour un garçon qu’il ne connaissait même pas.

Il retira en premier lieu ses gants épais, découvrant dessous de fin gants en cuir, puis il se saisit du petit couteau qu’il portait à sa ceinture et découpa la manche du garçon dans la longueur afin de dégager son bras. La peau était pâle, faisant ressortir les veines et facilitant ainsi le travail du nomade.

Avec des gestes sûrs, il préleva à l’aide de la seringue le sérum, puis coinça l’instrument entre ses lèvres. Ensuite, il se saisit du tube en plastique, coinça l’extrémité entre ses genoux, et planta l’aiguille dans la veine du patient. Maintenant celle-ci en place d’une main, il saisit de l’autre la seringue et vint la planter dans l’embout du tube servant à cet effet. Relâchant ses genoux, Keyne maintint le tout, ses mains à chacune des extrémités du tube et pressa de son pouce sur la seringue. Le contenu se déversa alors dans le tube puis directement dans le sang du patient. Une fois le liquide entièrement passé, le nomade retira l’intraveineuse et nettoya les outils sommairement dans la neige. Il les stériliserait plus tard, lorsqu’il aurait le temps. Il s’occupa ensuite de nettoyer la plaie ainsi que la morsure, puis rangea tout son attirail dans son sac.  

Lorsque tout fut terminé Keyne remit ses gants épais et observa son environnement. La luminosité avait commencé à baisser. D’ici deux à trois heures il ferait complètement nuit et une nouvelle problématique se posait pour Keyne. La zone n’était pas vraiment sécurisée, il en voulait pour preuve le lièvre contaminé, ainsi que le Rageux tué un peu plus tôt. Quant aux traces de véhicule, le nomade chassa cette menace de sa tête. S’ils avaient dû repasser ou être proche, il les aurait entendus ou vus depuis longtemps. Hors ça n’avait pas été le cas. Il pouvait donc en conclure qu’ils ne risquaient pas grand-chose de ce côté-là. Restait la menace la plus dangereuses, celle des contaminés.

Il ne s’offrait que deux solutions au nomade, et peu de temps pour prendre une décision. Il pouvait rester et prendre le risque d’être attaqués durant la nuit, ou bien porter le jeune homme sur quelques kilomètres jusqu’à trouver un abri plus sûr.
 
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jeudi 16 octobre 2014

Episode 2


À quelques mètre seulement un Rageux lui faisait face. La respiration haletante et le regard hagard, il déambulait dans les bois. Keyne se stoppa immédiatement et respira le plus doucement possible. Le malade ne l’avait pas encore vu, laissant au nomade le temps de l’observer. Le Rageux avait été un homme d’une quarantaine d’années. Ses vêtements, trempés et boueux, indiquaient clairement qu’il devait errer depuis des semaines.

Alors que le Rageux avançait toujours sans l’avoir encore repéré, Keyne distingua des traces de sang frais sur les mains du contaminé, ainsi que dans sa bave rosâtre. Il s’était visiblement nourri peu de temps avant. Sur un animal ou un être humain… Keyne n’aurait pas su le dire. Toutefois ce qu’il savait, c’est que le Rageux arrivait à la fin de la phase 2 de la maladie. Il était désormais trop tard pour faire quoi que ce soit, si ce n’est abréger ses souffrances avant qu’il n’entre dans la phase 3.

Faisant un pas en avant, Keyne attira l’attention du Rageux sur lui. Dès que ce dernier le vit, son regard se focalisa sur Keyne, se faisant perçant et violent. Le jeune homme avança encore, s’éloignant de l’arbre afin de ne pas gêner ses mouvements. Assurant ses appuis sur le sol, il resserra sa prise sur ses armes et attendit que le Rageux l’attaque.

Ce dernier ne fonça pas tout de suite, il prit le temps de renifler l’air et de grogner avant de retrousser les babines, dévoilant une dentition sale. Keyne eut le temps de voir la bave dégouliner un peu plus le long de son visage, le Rageux salivant d’avance sur son prochain repas. Ce n’était plus un homme mais un animal qui lui faisait face.

C’était ce que le virus Rage 2.0 faisait. Il annihilait toute conscience de soi-même pour ne laisser à la place qu’un animal sauvage et violent à la faim insatiable. Libéré de leur conscience, les Rageux répondaient à leurs instincts et devenaient plus rapides. Ils n’en étaient alors que plus dangereux. Un être isolé pouvait à lui seul décimer une famille ou deux si l’on ne prenait pas garde. Il suffisait d’une morsure ou d’une griffure, d’un léger contact avec les muqueuses pour que la maladie se transmette et fasse des ravages.

Et lorsque les Rageux étaient plus nombreux, eh bien… l’on avait peu de chance d’en réchapper. Les contaminés ne s’attaquaient pas entre eux, et Keyne avait déjà vu des Rageux d’une même famille ou d’un même groupe attaquer de façon organisée. Si l’on avait la malchance de se retrouver dans une telle situation, mieux valait alors avoir une arme à feu chargée pour abréger ses souffrances rapidement.

Mais ce n’était pas le cas de Keyne aujourd’hui. L’individu était isolé, et le nomade prêt à se défendre. Lorsque le Rageux attaqua, tête baissée, bouche grande ouverte sur un grognement inarticulé, Keyne attendit le dernier moment pour se décaler d’un pas tout en pivotant sur lui-même afin de frapper le contaminé dans le dos. L’une de ses épées courtes trancha profondément dans la chair du Rageux qui perdit l’équilibre et tomba face contre terre. Avant qu’il n’ait le temps de se relever, la seconde lame se planta dans la nuque. Keyne resta quelques seconde un genou à terre, son arme toujours planté dans le corps du contaminé. Son souffle était calme, mais son cœur pulsait à ses oreilles, comme chaque fois qu’il combattait.

Keyne finit par se relever, tout en retirant l’arme. Le sang se répandit alors doucement, maculant la neige et la terre glacée de sang. Le nomade fit quelques pas afin d’aller prendre de la neige propre dans le creux de sa main gantée pour nettoyer ses armes. Lorsque cela fut fait, il les rangea dans leur fourreau situé au creux de ses reins. Keyne revint ensuite au corps et le retourna à l’aide de son pied.

L’homme gisait, les yeux grands ouverts, la bouche béante dont s’écoulait un filet de sang en même temps que de bave. Tout en l’observant Keyne se demanda si cet homme avait eu un jour une famille, des amis, et s’ils savaient ce qui lui était arrivé. Peut-être était-il parti un beau matin pour aller chasser et qu’il n’était jamais revenu. Est-ce que des gens l’avaient pleuré ? En fin de compte, cela n’avait aucune importance. Dès l’instant qu’il avait été contaminé et sans aucun espoir de recevoir l’antidote il avait été condamné. À présent qu’il était mort, ses souffrances avaient été abrégées.

Keyne jeta un dernier regard sur le mort, puis lui tourna le dos et s’éloigna. Le sol était trop dur pour l’enterrer et brûler le corps aurait pu non seulement attirer d’autres Rageux, mais également les hommes en camion. Mieux valait le laisser pourrir là. De toute façon les bêtes sauvage n’y toucheraient pas.

Le nomade n’avait pas fait un pas qu’il entendit un nouveau gémissement. Il se tourna sur sa droite d’un mouvement brusque. Le bruit venait de derrière un arbre quelques mètres plus loin dans la direction opposée d’où était venu le Rageux. Sortant à nouveau ses lames Keyne avança prudemment alors que le gémissement se répétait. Il doutait qu’il puisse s’agir d’un autre Rageux car celui-ci aurait alors attaqué depuis longtemps, mais quoi qu’il en soit Keyne devait savoir.

Contournant l’arbre avec prudence, le nomade fit bientôt face à ce qui avait attiré son attention. Il découvrit d’abord le corps d’un lièvre, visiblement atteint du virus et mort. Puis à quelques mètres, celui d’un jeune homme, encore vivant mais inconscient. Il semblait assez jeune, les cheveux bruns et courts. Il portait une paire de lunette dont l’un des verres était fendu. Ses vêtements mêmes s’ils étaient chauds se trouvaient en piteux état ; et sa peau était recouverte d’une fine pellicule de sueur, signe qu’il était fiévreux. Il portait à la tête une méchante coupure, et à la main une morsure venant apriori du lapin. Le garçon avait donc été contaminé. La plaie était récente, et il faudrait encore quelques jours avant que le virus n’incube, mais une fois la première phase passée, il deviendrait un Rageux.

Keyne hésita. Il avait avec lui de quoi soigner le garçon. Au fond de son sac, dans une petite mallette en cuir, il transportait le plus précieux des trésors. Mais est-ce que cela valait le coup de le sauver ? Keyne avait déjà été tellement de fois confronté à la mort qu’une de plus ne changerait rien pour lui, et pourtant…
 
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vendredi 10 octobre 2014

Episode 1

Keyne replaça ses lunettes sur ses yeux, rabattit sa capuche, ne laissant dépasser que quelques mèches folles de sa chevelure rouge et rajusta son sac sur ses épaules. Il était temps de partir.
Ce village abandonné lui avait procuré un abri durant les quelques jours qu’avait duré la tempête de neige ; mais à présent que le gros du blizzard était passé, il lui fallait reprendre la route.
Telle était sa vie. Une vie de voyage et d’errance. Dans un sens, puis dans un autre, Keyne traversait le continent, comme son peuple l’avait toujours fait ; un peuple nomade voyageant au gré des saisons afin de fuir les groupes de Rageux toujours plus nombreux durant les périodes estivales. L’hiver et le froid était leur foyer, leur protection.
Une bourrasque de vent se fit plus forte au croisement d’une rue, faisant dévier Keyne de sa route. Sans un gémissement, sans une plainte, le nomade continua sa progression sortant définitivement de la petite ville. Le chemin qu’il suivait était inscrit dans son esprit, dans chacun de ses muscles pour l’avoir fait tant de fois. À présent que l’hiver arrivait, il était temps de repartir plus à l’Ouest, emportant avec lui, le vent, le froid et la neige. Il était le voyageur de l’hiver.  
Keyne avançait pas à après pas, sa respiration rythmant sa marche. S’il avait un jour été accompagné, il était à présent seul. Mais la solitude et le silence ne le gênaient pas. D’ailleurs il ne se trouvait jamais entièrement dans le silence. Les bruits de la nature étaient toujours avec lui, tels de vieux compagnons… 
Au fur et à mesure de son avancée, la neige s’était faite plus rare. Mais même amoindrie, celle-ci craquait sous ses pas. Le soleil était à présent haut dans le ciel et Keyne semblait avoir laissé la tempête derrière lui, au fur et à mesure qu’il avait avalé les kilomètres. Rejoignant une nouvelle route, le nomade s’arrêta. Si la neige était fine, elle ne l’était toutefois pas assez pour masquer les marques de roues. Les véhicules étaient rares, et ceux que l’on voyait dans cette région comme ailleurs étaient rarement de bon augure. En plus d’être bruyants et d’attirer les Rageux, il n’était pas rare que ce soit des pirates à leur bord, avide de chairs fraîche à revendre comme esclave ou de denrées à voler.
Se penchant sur les marques, Keyne les effleura. Elles étaient encore fraîches, et les roues larges, signes qu’il s’agissait d’un camion et qu’il était passé peu de temps après la tempête. Se relevant, il rajusta sa capuche sur sa tête, dissimulant les quelques mèches éparses, et vérifia que ses épées courtes étaient bien à portée de mains. Prudemment il s’écarta de la route principale et se cacha à couvert des arbres, continuant à marcher en parallèle, ne faisant pas le moindre bruit. Avec ses vêtements et son pas léger, Keyne se fondait entre les arbres, invisible. Si quelqu’un venait à passer, il le verrait avant d’être vu.
Aux aguets, le nomade perçut immédiatement le faible bruit. Se figeant, il sortit ses lames et attendit. Le bruit se répéta, mélange de pas et de gémissement.
Keyne aurait pu s’en aller, fuir, mais ce n’était pas dans sa nature. Il avait appris à repérer les bruits, les odeurs ; et de ce qu’il percevait, il n’y avait qu’un seul individu. Et tant que l’on n’était pas assailli par le nombre, il valait mieux affronter un adversaire que le fuir. Et s’ils étaient trop nombreux, eh bien…
Keyne se souvenait encore très bien de cette nuit où les cris et les tirs l’avaient réveillé, et où, s’apprêtant à crier, son grand-père lui avait mis une main sur la bouche pour l’empêcher de faire le moindre bruit. Les yeux écarquillés de peur, Keyne s’était fait emmener par le vieil homme dans la nuit noire, n’emportant avec eux que leurs sacs de secours contenant vêtements et nourriture pour quelques jours…
Keyne secoua la tête. Ce n’était pas le moment de se souvenir. Repoussant loin la moindre pensée, il se mit à avancer silencieusement, se dirigeant vers le bruit. C’était bien un gémissement qu’il avait entendu ; un gémissement accompagné d’une respiration rauque et rapide.
Keyne contourna un arbre et c’est alors qu’il le vit...
 
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Que voit Keyne ?
- Un rageux
- Un être vivant (humain ou animal)