jeudi 23 octobre 2014

Episode 3


Keyne rangea ses lames. Il fallait prendre une décision. Rester ici trop longtemps pouvait être dangereux. La zone était visiblement contaminée et de plus il ne savait pas si le camion avait continué sa route plus loin ou si sa destination était proche. Le garçon gémit, faisant sursauter Keyne. S’il lui sauvait la vie, il ne pourrait pas l’abandonner ensuite. La convalescence prenait du temps, même avec le traitement donné en tout début d’infection. Il fallait être raisonnable. Keyne n’avait pas besoin d’un poids mort qui le ralentirait dans son voyage sans fin. Rajustant les lunettes sur ses yeux, le nomade tourna le dos au jeune homme. Sa décision était prise. Ferme et définitive.

Faisant le chemin inverse, Keyne repassa devant le cadavre du Rageux. L’homme était toujours étendu tel qu’il l’avait laissé, ses yeux morts le fixant d’un regard accusateur. Le nomade s’arrêta, jeta un coup d’œil en arrière, puis à l’homme qu’il venait de tuer. Keyne serra les poings le long de son corps ainsi que sa mâchoire et secoua la tête. Il n’y avait aucune raison d’hésiter. Sa propre survie était prioritaire. S’il venait à mourir…

Keyne s’arrêta à nouveau, et lâcha un soupir agacé.

— Et merde.

Il fit demi-tour d’un pas rageur, en colère après lui-même et son incapacité à penser uniquement à sa survie. Il aurait dû pouvoir le laisser derrière. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’il laissait des gens gérer leurs problèmes avec le virus sans s’en soucier. Cette fois-ci comme les autres, ça n’aurait pas dû faire de différence. Et pourtant ça en faisait une. Il était incapable de savoir pourquoi, mais laisser ce gamin imprudent mourir lui était impossible.

Revenant à ses côtés, Keyne se laissa tomber à genoux près du garçon et sans se préoccuper du malade, se libéra de son sac. L’ouvrant avec des gestes brusques empreints de colère, il en sortit un second sac en cuir, plus petit, et beaucoup plus précieux. 

À l’intérieur se trouvait tout le nécessaire à sa survie. Des plantes, des pots contenant onguents et crèmes, des bandes de tissus propre pour des bandages… ainsi qu’une petite pochette. Ce fut cette dernière dont se saisit Keyne. L’ouvrant avec précaution, il inspecta le contenu. Le côté droit contenait cinq emplacements dont trois étaient vides. Les deux autres maintenaient en place deux fioles de 15ml chacune au contenu translucide. Du côté gauche, une seringue ainsi qu’un tube en plastique servant à des intraveineuses dont l’un des bouts était surmonté d’une petite aiguille.

Après avoir observé ce contenu quelques secondes, Keyne sortit le matériel dont il avait besoin et le posa sur ses genoux avant de refermer la pochette. Puis il leva la tête et regarda le jeune homme. Ce dernier était toujours inconscient et ne semblait pas près de se réveiller. L’auscultant rapidement, Keyne décréta que la fièvre venait d’un début d’infection de la coupure à la tête. Il lui faudrait la désinfecter rapidement. La morsure demandait d’être nettoyée, mais n’était pas grave en elle-même. Ce qui l’était plus en revanche, c’était les conséquences d’une telle morsure.

Le garçon avait été contaminé par le virus Rage 2.0. Laissé sans traitement, il développerait la maladie. Durant les quinze premiers jours, celle-ci ne ferait qu’incuber, ne laissant comme seuls symptôme visibles qu’une irritabilité grandissante, des insomnies… Puis au fur et à mesure que la maladie se déclarerait, il deviendrait paranoïaque et développerait une aversion pathologique à l’eau. Une fois ce stade atteint, la maladie serait établie et le malade deviendrait un Rageux. L’espace de quelques semaines, il pourrait alors tuer et contaminer des dizaines de personnes avant de finalement mourir.

Si personne ne lui donnait le sérum, c’est ce qui se passerait. Mais par un étrange concours de circonstance, le jeune homme avait croisé Keyne. Keyne qui avait en sa possession le fameux sérum, devenu le bien le plus précieux pour cette humanité dévastée. Keyne qui allait sacrifier l’avant dernière dose qu’il possédait pour un garçon qu’il ne connaissait même pas.

Il retira en premier lieu ses gants épais, découvrant dessous de fin gants en cuir, puis il se saisit du petit couteau qu’il portait à sa ceinture et découpa la manche du garçon dans la longueur afin de dégager son bras. La peau était pâle, faisant ressortir les veines et facilitant ainsi le travail du nomade.

Avec des gestes sûrs, il préleva à l’aide de la seringue le sérum, puis coinça l’instrument entre ses lèvres. Ensuite, il se saisit du tube en plastique, coinça l’extrémité entre ses genoux, et planta l’aiguille dans la veine du patient. Maintenant celle-ci en place d’une main, il saisit de l’autre la seringue et vint la planter dans l’embout du tube servant à cet effet. Relâchant ses genoux, Keyne maintint le tout, ses mains à chacune des extrémités du tube et pressa de son pouce sur la seringue. Le contenu se déversa alors dans le tube puis directement dans le sang du patient. Une fois le liquide entièrement passé, le nomade retira l’intraveineuse et nettoya les outils sommairement dans la neige. Il les stériliserait plus tard, lorsqu’il aurait le temps. Il s’occupa ensuite de nettoyer la plaie ainsi que la morsure, puis rangea tout son attirail dans son sac.  

Lorsque tout fut terminé Keyne remit ses gants épais et observa son environnement. La luminosité avait commencé à baisser. D’ici deux à trois heures il ferait complètement nuit et une nouvelle problématique se posait pour Keyne. La zone n’était pas vraiment sécurisée, il en voulait pour preuve le lièvre contaminé, ainsi que le Rageux tué un peu plus tôt. Quant aux traces de véhicule, le nomade chassa cette menace de sa tête. S’ils avaient dû repasser ou être proche, il les aurait entendus ou vus depuis longtemps. Hors ça n’avait pas été le cas. Il pouvait donc en conclure qu’ils ne risquaient pas grand-chose de ce côté-là. Restait la menace la plus dangereuses, celle des contaminés.

Il ne s’offrait que deux solutions au nomade, et peu de temps pour prendre une décision. Il pouvait rester et prendre le risque d’être attaqués durant la nuit, ou bien porter le jeune homme sur quelques kilomètres jusqu’à trouver un abri plus sûr.
 
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1 commentaire:

kantarou a dit…

Trouver un abri plus sur