À
quelques mètre seulement un Rageux lui faisait face. La respiration haletante
et le regard hagard, il déambulait dans les bois. Keyne se stoppa immédiatement
et respira le plus doucement possible. Le malade ne l’avait pas encore vu,
laissant au nomade le temps de l’observer. Le Rageux avait été un homme d’une
quarantaine d’années. Ses vêtements, trempés et boueux, indiquaient clairement
qu’il devait errer depuis des semaines.
Alors
que le Rageux avançait toujours sans l’avoir encore repéré, Keyne distingua des
traces de sang frais sur les mains du contaminé, ainsi que dans sa bave rosâtre.
Il s’était visiblement nourri peu de temps avant. Sur un animal ou un être
humain… Keyne n’aurait pas su le dire. Toutefois ce qu’il savait, c’est que le
Rageux arrivait à la fin de la phase 2 de la maladie. Il était désormais trop
tard pour faire quoi que ce soit, si ce n’est abréger ses souffrances avant qu’il
n’entre dans la phase 3.
Faisant
un pas en avant, Keyne attira l’attention du Rageux sur lui. Dès que ce dernier
le vit, son regard se focalisa sur Keyne, se faisant perçant et violent. Le
jeune homme avança encore, s’éloignant de l’arbre afin de ne pas gêner ses
mouvements. Assurant ses appuis sur le sol, il resserra sa prise sur ses armes
et attendit que le Rageux l’attaque.
Ce
dernier ne fonça pas tout de suite, il prit le temps de renifler l’air et de
grogner avant de retrousser les babines, dévoilant une dentition sale. Keyne
eut le temps de voir la bave dégouliner un peu plus le long de son visage, le
Rageux salivant d’avance sur son prochain repas. Ce n’était plus un homme mais
un animal qui lui faisait face.
C’était
ce que le virus Rage 2.0 faisait. Il annihilait toute conscience de soi-même
pour ne laisser à la place qu’un animal sauvage et violent à la faim
insatiable. Libéré de leur conscience, les Rageux répondaient à leurs instincts
et devenaient plus rapides. Ils n’en étaient alors que plus dangereux. Un être
isolé pouvait à lui seul décimer une famille ou deux si l’on ne prenait pas
garde. Il suffisait d’une morsure ou d’une griffure, d’un léger contact avec
les muqueuses pour que la maladie se transmette et fasse des ravages.
Et
lorsque les Rageux étaient plus nombreux, eh bien… l’on avait peu de chance d’en
réchapper. Les contaminés ne s’attaquaient pas entre eux, et Keyne avait déjà
vu des Rageux d’une même famille ou d’un même groupe attaquer de façon organisée.
Si l’on avait la malchance de se retrouver dans une telle situation, mieux
valait alors avoir une arme à feu chargée pour abréger ses souffrances rapidement.
Mais
ce n’était pas le cas de Keyne aujourd’hui. L’individu était isolé, et le
nomade prêt à se défendre. Lorsque le Rageux attaqua, tête baissée, bouche
grande ouverte sur un grognement inarticulé, Keyne attendit le dernier moment
pour se décaler d’un pas tout en pivotant sur lui-même afin de frapper le
contaminé dans le dos. L’une de ses épées courtes trancha profondément dans la
chair du Rageux qui perdit l’équilibre et tomba face contre terre. Avant qu’il
n’ait le temps de se relever, la seconde lame se planta dans la nuque. Keyne
resta quelques seconde un genou à terre, son arme toujours planté dans le corps
du contaminé. Son souffle était calme, mais son cœur pulsait à ses oreilles,
comme chaque fois qu’il combattait.
Keyne
finit par se relever, tout en retirant l’arme. Le sang se répandit alors
doucement, maculant la neige et la terre glacée de sang. Le nomade fit quelques
pas afin d’aller prendre de la neige propre dans le creux de sa main gantée pour
nettoyer ses armes. Lorsque cela fut fait, il les rangea dans leur fourreau
situé au creux de ses reins. Keyne revint ensuite au corps et le retourna à l’aide
de son pied.
L’homme
gisait, les yeux grands ouverts, la bouche béante dont s’écoulait un filet de
sang en même temps que de bave. Tout en l’observant Keyne se demanda si cet
homme avait eu un jour une famille, des amis, et s’ils savaient ce qui lui
était arrivé. Peut-être était-il parti un beau matin pour aller chasser et qu’il
n’était jamais revenu. Est-ce que des gens l’avaient pleuré ? En fin de
compte, cela n’avait aucune importance. Dès l’instant qu’il avait été contaminé
et sans aucun espoir de recevoir l’antidote il avait été condamné. À présent qu’il
était mort, ses souffrances avaient été abrégées.
Keyne
jeta un dernier regard sur le mort, puis lui tourna le dos et s’éloigna. Le sol
était trop dur pour l’enterrer et brûler le corps aurait pu non seulement attirer
d’autres Rageux, mais également les hommes en camion. Mieux valait le laisser
pourrir là. De toute façon les bêtes sauvage n’y toucheraient pas.
Le
nomade n’avait pas fait un pas qu’il entendit un nouveau gémissement. Il se
tourna sur sa droite d’un mouvement brusque. Le bruit venait de derrière un arbre
quelques mètres plus loin dans la direction opposée d’où était venu le Rageux.
Sortant à nouveau ses lames Keyne avança prudemment alors que le gémissement se
répétait. Il doutait qu’il puisse s’agir d’un autre Rageux car celui-ci aurait
alors attaqué depuis longtemps, mais quoi qu’il en soit Keyne devait savoir.
Contournant
l’arbre avec prudence, le nomade fit bientôt face à ce qui avait attiré son
attention. Il découvrit d’abord le corps d’un lièvre, visiblement atteint du
virus et mort. Puis à quelques mètres, celui d’un jeune homme, encore vivant
mais inconscient. Il semblait assez jeune, les cheveux bruns et courts. Il
portait une paire de lunette dont l’un des verres était fendu. Ses vêtements
mêmes s’ils étaient chauds se trouvaient en piteux état ; et sa peau était
recouverte d’une fine pellicule de sueur, signe qu’il était fiévreux. Il
portait à la tête une méchante coupure, et à la main une morsure venant apriori
du lapin. Le garçon avait donc été contaminé. La plaie était récente, et il
faudrait encore quelques jours avant que le virus n’incube, mais une fois la
première phase passée, il deviendrait un Rageux.
Keyne
hésita. Il avait avec lui de quoi soigner le garçon. Au fond de son sac, dans
une petite mallette en cuir, il transportait le plus précieux des trésors. Mais
est-ce que cela valait le coup de le sauver ? Keyne avait déjà été
tellement de fois confronté à la mort qu’une de plus ne changerait rien pour
lui, et pourtant…
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1 commentaire:
Il le sauve. Oui ouii il faut finalement il en a marre de voir les gens mourir et là cet inconnu a encore une chance et il peut l'aider alors il doit le sauver
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