jeudi 16 octobre 2014

Episode 2


À quelques mètre seulement un Rageux lui faisait face. La respiration haletante et le regard hagard, il déambulait dans les bois. Keyne se stoppa immédiatement et respira le plus doucement possible. Le malade ne l’avait pas encore vu, laissant au nomade le temps de l’observer. Le Rageux avait été un homme d’une quarantaine d’années. Ses vêtements, trempés et boueux, indiquaient clairement qu’il devait errer depuis des semaines.

Alors que le Rageux avançait toujours sans l’avoir encore repéré, Keyne distingua des traces de sang frais sur les mains du contaminé, ainsi que dans sa bave rosâtre. Il s’était visiblement nourri peu de temps avant. Sur un animal ou un être humain… Keyne n’aurait pas su le dire. Toutefois ce qu’il savait, c’est que le Rageux arrivait à la fin de la phase 2 de la maladie. Il était désormais trop tard pour faire quoi que ce soit, si ce n’est abréger ses souffrances avant qu’il n’entre dans la phase 3.

Faisant un pas en avant, Keyne attira l’attention du Rageux sur lui. Dès que ce dernier le vit, son regard se focalisa sur Keyne, se faisant perçant et violent. Le jeune homme avança encore, s’éloignant de l’arbre afin de ne pas gêner ses mouvements. Assurant ses appuis sur le sol, il resserra sa prise sur ses armes et attendit que le Rageux l’attaque.

Ce dernier ne fonça pas tout de suite, il prit le temps de renifler l’air et de grogner avant de retrousser les babines, dévoilant une dentition sale. Keyne eut le temps de voir la bave dégouliner un peu plus le long de son visage, le Rageux salivant d’avance sur son prochain repas. Ce n’était plus un homme mais un animal qui lui faisait face.

C’était ce que le virus Rage 2.0 faisait. Il annihilait toute conscience de soi-même pour ne laisser à la place qu’un animal sauvage et violent à la faim insatiable. Libéré de leur conscience, les Rageux répondaient à leurs instincts et devenaient plus rapides. Ils n’en étaient alors que plus dangereux. Un être isolé pouvait à lui seul décimer une famille ou deux si l’on ne prenait pas garde. Il suffisait d’une morsure ou d’une griffure, d’un léger contact avec les muqueuses pour que la maladie se transmette et fasse des ravages.

Et lorsque les Rageux étaient plus nombreux, eh bien… l’on avait peu de chance d’en réchapper. Les contaminés ne s’attaquaient pas entre eux, et Keyne avait déjà vu des Rageux d’une même famille ou d’un même groupe attaquer de façon organisée. Si l’on avait la malchance de se retrouver dans une telle situation, mieux valait alors avoir une arme à feu chargée pour abréger ses souffrances rapidement.

Mais ce n’était pas le cas de Keyne aujourd’hui. L’individu était isolé, et le nomade prêt à se défendre. Lorsque le Rageux attaqua, tête baissée, bouche grande ouverte sur un grognement inarticulé, Keyne attendit le dernier moment pour se décaler d’un pas tout en pivotant sur lui-même afin de frapper le contaminé dans le dos. L’une de ses épées courtes trancha profondément dans la chair du Rageux qui perdit l’équilibre et tomba face contre terre. Avant qu’il n’ait le temps de se relever, la seconde lame se planta dans la nuque. Keyne resta quelques seconde un genou à terre, son arme toujours planté dans le corps du contaminé. Son souffle était calme, mais son cœur pulsait à ses oreilles, comme chaque fois qu’il combattait.

Keyne finit par se relever, tout en retirant l’arme. Le sang se répandit alors doucement, maculant la neige et la terre glacée de sang. Le nomade fit quelques pas afin d’aller prendre de la neige propre dans le creux de sa main gantée pour nettoyer ses armes. Lorsque cela fut fait, il les rangea dans leur fourreau situé au creux de ses reins. Keyne revint ensuite au corps et le retourna à l’aide de son pied.

L’homme gisait, les yeux grands ouverts, la bouche béante dont s’écoulait un filet de sang en même temps que de bave. Tout en l’observant Keyne se demanda si cet homme avait eu un jour une famille, des amis, et s’ils savaient ce qui lui était arrivé. Peut-être était-il parti un beau matin pour aller chasser et qu’il n’était jamais revenu. Est-ce que des gens l’avaient pleuré ? En fin de compte, cela n’avait aucune importance. Dès l’instant qu’il avait été contaminé et sans aucun espoir de recevoir l’antidote il avait été condamné. À présent qu’il était mort, ses souffrances avaient été abrégées.

Keyne jeta un dernier regard sur le mort, puis lui tourna le dos et s’éloigna. Le sol était trop dur pour l’enterrer et brûler le corps aurait pu non seulement attirer d’autres Rageux, mais également les hommes en camion. Mieux valait le laisser pourrir là. De toute façon les bêtes sauvage n’y toucheraient pas.

Le nomade n’avait pas fait un pas qu’il entendit un nouveau gémissement. Il se tourna sur sa droite d’un mouvement brusque. Le bruit venait de derrière un arbre quelques mètres plus loin dans la direction opposée d’où était venu le Rageux. Sortant à nouveau ses lames Keyne avança prudemment alors que le gémissement se répétait. Il doutait qu’il puisse s’agir d’un autre Rageux car celui-ci aurait alors attaqué depuis longtemps, mais quoi qu’il en soit Keyne devait savoir.

Contournant l’arbre avec prudence, le nomade fit bientôt face à ce qui avait attiré son attention. Il découvrit d’abord le corps d’un lièvre, visiblement atteint du virus et mort. Puis à quelques mètres, celui d’un jeune homme, encore vivant mais inconscient. Il semblait assez jeune, les cheveux bruns et courts. Il portait une paire de lunette dont l’un des verres était fendu. Ses vêtements mêmes s’ils étaient chauds se trouvaient en piteux état ; et sa peau était recouverte d’une fine pellicule de sueur, signe qu’il était fiévreux. Il portait à la tête une méchante coupure, et à la main une morsure venant apriori du lapin. Le garçon avait donc été contaminé. La plaie était récente, et il faudrait encore quelques jours avant que le virus n’incube, mais une fois la première phase passée, il deviendrait un Rageux.

Keyne hésita. Il avait avec lui de quoi soigner le garçon. Au fond de son sac, dans une petite mallette en cuir, il transportait le plus précieux des trésors. Mais est-ce que cela valait le coup de le sauver ? Keyne avait déjà été tellement de fois confronté à la mort qu’une de plus ne changerait rien pour lui, et pourtant…
 
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1 commentaire:

kantarou a dit…

Il le sauve. Oui ouii il faut finalement il en a marre de voir les gens mourir et là cet inconnu a encore une chance et il peut l'aider alors il doit le sauver